Pousser la porte de la boutique Yves SAINT LAURENT rive gauche de la rue Saint-Sulpice, c'était tout d'abord pénétrer dans un univers dédié à la féminité magnifiée et fantasmée, admirer les vitrines ou s'invitaient des robes écrins de velours, des manteaux de cosaques, des blouses de satin d'or, des escarpins et sandales grand soir, des sacs ourlés de passementerie, des bijoux débordants de cabochons, des bottes cavallières à la cambrure respectable, des toques d'astrakan chocolat ...
La femme de Monsieur SAINT LAURENT ressemblait à une sultane baroque à la bouche peinte de fuschia, à la chevelure flamboyante ourlée façon Lauren BACALL, le corps noyé dans une débauche d'imprimés aux couleurs de prisme incandescent.
Aujourd'hui, Yves SAINT LAURENT n'est plus qu'une essence opiacée dont vous pouvez admirer en ce moment les superbes affiches de la dame en noir esclave de son flacon,qui a malheureusement perdu son pompon, les poignets menottés de lourds bracelets dorés; un it bag accroché aux bras graciles de Kate MOSS, des souliers magiques qui ont le don d'allonger nos jambes de 10 cm.
Mais le plus triste dans cette nécrologie est le sort que l'on a réservé à la boutique de jadis: dans un espace ultra designé,on a débarrasé l'orpheline de ses codes adn, suspendu les collections du moment à des portants alignés de manière disciplinaire qui dansent sans le vouloir une valse bien triste; la magie de la couleur s'en est allée et la boutique désincarnée, privée de son brillant, flotte, agonisante, comme un vaisseau fantôme.